Grande joie pour tous !

Saint Jérôme de Simonos Petra

Le bienheureux père Jérôme de Simonos Petras

Pour nos monastères athonites, tout spécialement pour notre monastère de Simonos Petras et pour ses « dépendances », dont notre monastère de la Transfiguration fait partie, mais également pour toute l’Église, nous pouvons vous annoncer une grande joie : ce mardi 26 novembre 2019, le Patriarche de Constantinople a permis, pour toute l’Église, la vénération officielle du bienheureux Jérôme (Hiéronymos) de Simonos Petra, ancien higoumène de ce monastère, puis desservant du monastère-paroisse de l’Ascension (Analypsis) à Athènes.

Simonos Petra attendait l’annonce de la décision du Saint Synode de la canonisation des bienheureux pères Jérôme de Simonos Pétra et Sophrony d’Essex. Puis une splendide et longue, glorieuse panégyrie a été célébrée ce 27 novembre, avec la magnificence byzantine qu’a conservée la Sainte Montagne de l’Athos, en l’honneur du nouveau saint, le Bienheureux Jérôme de Simonos Petras. Entre douze et treize heures, le carillon du monastère s’est mis en branle solennellement. Et les frères se sont mutuellement congratulés en se saluant par les prières du nouveau saint simonopetrite. À quinze heures, les moines se sont réunis dans la chapelle de l’appartement higouménal où les Reliques de saint Jérôme ont été placées devant l’icône des deux nouveaux saints. Là, l’office de none a été lu normalement, devant les reliquaires fermés. Ses saintes reliques ont été reçues solennellement dans le catholicon du monastère, comme lorsque l’on reçoit officiellement un évêque ou un higoumène vivants, et un des reliquaires a été placé dans le trône higouménal, là où il présidait lorsqu’il demeurait dans son monastère. Scène émouvante s’il en est : c’était la première fois qu’il y siégeait depuis son « exil » de 1931, soit depuis quatre-vingts huit ans ! Le polyéléos et le choros (lustres) tournoyaient encore, et encore, et encore, symbolisant la présence et l’illumination des anges en communion avec la joie des hommes ici présents.

Puis alors que l’on sonnait de nouveau les cloches, des reliques du Bienheureux Jérôme ont été placées sur le trône higouménal, comme il y avait siégé de son vivant, et Géronda Elisaios ayant déposé son bâton d’higoumène et s’étant dévêtu de son mandyas solennel, a pris la seconde place dans les stalles. Le précieux chef (crâne) de saint Jérôme a alors été placé au centre de l’église et les reliquaires ont été ouverts. L’office de Réception a alors été chanté avec les tropaires des nouveaux saints ainsi que la Grande Doxologie.

Ensuite ont commencé les Grandes vêpres solennelles pendant lesquelles tous les participants ont pu vénérer les reliques. Ces offices, pourtant solennels, ont été célébrés dans l’intimité du monastère, car les célébrations officielles auront lieu le jour de la mémoire du saint, soit le 9 mai. Cependant, étaient présents le père Timothée d’Iviron, le hiéromoine Chrysostome de la cellule du même nom à Karyès et le père Hiéronymos représentant de Simonos Petras auprès de la sainte Communauté de Karyès et qui porte le même nom que notre nouveau saint.

Ce matin, 28 novembre, à trois heures, l’office de minuit, un Grand Orthros et la Divine Liturgie ont été célébrés dans le catholicon, jusques vers huit heures. Comme il se doit, Géronda Elisaios officiait, revêtu des ornements sacerdotaux qu’avait portés saint Jérôme lui-même. Il était assisté de six prêtres, dont notre bien-aimé père Alexis, et d’un diacre, lequel porte le nom de l’autre nouveau sanctifié : Sophronios.

Nous notions que cela faisait quatre-vingt huit ans que saint Jérôme n’était pas revenu dans le catholicon de son monastère, et le sentiment de tous les frères du monastère était une conscience d’esprit de réconciliation, répondant aux vœux des moines qui avaient écrit au Bienheureux à Athènes, comme nous allons le voir plus loin.

En réalité, bien que sous nos yeux il n’y eut que des ossements, saint Jérôme était bien sûr vivant au milieu des ses frères, du moins de leurs descendants spirituels. D’ailleurs, mystiquement, tous les moines simonopetrites étaient présents, non seulement ceux d’aujourd‘hui, mais tous ceux qui les avaient précédés depuis le Bienheureux Simon le Myroblite, et tous ceux qui ne pouvaient pas être physiquement présents, je pense notamment aux membres des métochia, ainsi que tous les enfants spirituels du saint Géronda Jérôme, ceux d’Athènes et de bien d’autres régions. Là, les moines tour à tour, sont venus embrasser et vénérer leur père qui reprenait possession du trône qui lui revenait, mais auquel, par humilité, il avait jadis renoncé.

De tels événements manifestent la bonté de Dieu parmi les hommes. En effet, l’hommage que présentent les fidèles aux saintes reliques, montre que Dieu reste présent dans le corps de ses saints, au-delà de la mort. Les saints sont « endormis », mais ils sont vivants, et l’Esprit de Dieu qui les remplissait et les animait durant leur vivant, continue à rayonner et à se communiquer. Par là, Dieu réconforte les hommes, les assurant de Sa présence à travers les corps saints, et de Sa prévenante sollicitude. Il leur rappelle qu’ils sont les membres d’un seul Corps, Celui du Christ, dont Lui-même est la tête. Forts de cette expérience, les hommes trouvent le besoin et la force de suivre le chemin tracé par Lui, chemin qui nous était naturel. Le bienheureux Jérôme, comme les autres saints, rappelait que dans le cœur de l’homme est inscrit le besoin de la foi expérimentale de la Présence divine, qui n’est pas qu’une simple croyance, mais une expérience d’amour et de désir volontaires, personnels, une foi qui est « La preuve des réalités qu’on ne voit pas » (He 11,1), comme l’écrivait l’Apôtre Paul, une foi qui est le fondement de notre espérance.

Si l’on doit dresser une chronologie du Bienheureux Jérôme nous pourrions dire qu’il est né en Asie Mineure, en 1871dans le village Reiz-Dere, en Turquie actuelle. Il grandit dans une famille pauvre et pieuse, et lui-même cultivait dans son cœur un grand amour pour les saints et un fort désir de la Vie avec Dieu ; il était avide d’écouter les récits des saints et des miracles qu’ils opèrent dans l’Église. Déjà, à l’âge de douze ans, il partit sur l’île de Chios pour rencontrer saint Parthénios (1815-1883) et pour recevoir sa bénédiction. Il avait appris par cœur dès l’âge de six ans, l’Acathiste à la Toute-Sainte Mère-de-Dieu.

C’est ainsi qu’à quinze ans, en 1888, à sa demande, il a été reçu comme novice à Simonos Petra. Dans ce monastère, vivaient alors de nombreux moines originaires de la région de Çeşme, face à l’île de Chios. Il y avait remontré un compatriote devenu moine à Simonos Petra, ce qui l’incita à élire ce monastère afin d’y vivre selon les principes de la vie monastique. Il s’y exerça à la patience et à l’humilité, à l’obéissance, à la modestie et au silence extérieur et intérieur, à l’ascèse perpétuelle et à la Prière, au pardon des offenses et à l’absence de jugement.

Le jour des Palmes 1893, le 21 mars, il fit sa profession monastique ; en février 1914 il devint membre du Conseil du Monastère (les dirigeants) et le 11 avril 1920 il fut ordonné diacre. Dès le lendemain, le 12, il fut fait prêtre. Le 20 du même mois, il fut élu higoumène du monastère. Mais, onze ans plus tard, le 15 juin 1931, à la suite de calomnies dues à des jalousies internes au monastère et des dénonciations calomnieuses de malversations financières, il fut « exilé » dans le monastère de Koutloumousiou, à côté de Kariès, la capitale du Mont Athos. Les pères de ce monastère l’ont traité avec beaucoup d’amour et voyaient en lui déjà un saint. Loin d’accuser quiconque, il leur disait que sa souffrance était due à ses péchés

Cette disgrâce et l’exil qui s’en suivit, rappellent fortement la situation de saint Nectaire d’Égine que notre bienheureux père Jérôme aimait profondément et avec lequel il était lié d’amitié, comme avec saint Nicolas Planas et saint Sabas le Nouveau de Kalimnos, d’ailleurs. En effet, pour des raisons analogues, saint nectaire avait été chassé de son siège épiscopal d’Alexandrie et de ses hautes fonctions administratives aux côtés du Patriarche, s’étant retrouvé exilé à Athènes, jusqu’à la fin de sa vie, sans jamais obtenir de justification ni de réhabilitation malgré son innocence et ses marques d’humilité et d’obéissance. Comme lui, saint Jérôme patientait, ne disait jamais de mal de ses persécuteurs, fuyait toute polémique, pardonnait à ses détracteurs et souffrait. Destins analogues, charité, sainteté du Christ qui rayonnaient en eux !

Trois mois plus tard, en septembre 1931, on le transféra à Athènes, avec la charge d’Economos (desservant) du monastère de l’Ascension de notre Seigneur (Analypsis), métochion (dépendance) de Simonos Petras. Il y demeura jusqu’à son dernier souffle. Il s’est de fait, endormi dans le Seigneur à Athènes, après la Divine Liturgie le samedi 6 janvier 1957. C’était la veille de la panégyrie (fête patronale) du monastère, jour de noël, pendant laquelle jadis saint Simon avait vu une étoile se poser sur le rocher qui porta ensuite son nom, comme elle l’avait fait au moment de la Nativité du Sauveur, à Bethléem. Pour cela, le premier nom du monastère fut « la Nouvelle Bethléem ».

Entre temps, il y eut un rebondissement dans l’histoire de l’exil de saint Jérôme : en 1937 on lui a officiellement proposé de reprendre son poste d’higoumène en le réhabilitant et en demandant pardon de l’attitude injuste qu’on avait eue à son égard. Il fit une nouvelle fois preuve de grande humilité en remerciant les moines de leur amour et de leur pardon, mais refusant ce poste, car la tâche dépassait ses propres forces, selon lui… Le télégramme qu’il leur a envoyé en réponse à leur demande de le rétablir dans tous ses droits et de reprendre la charge d’higoumène est un exemple de parfaite humilité : « J’ai consciencieusement évalué le surcroît de force nécessaire et je m’en considère incapable. Je ne fais pas preuve de désobéissance, mais je ne puis accepter la proposition, car je ne suis pas en mesure de prendre sur moi cette responsabilité… » Et dans une autre lettre. « … J’ai examiné en détail… le poids des responsabilités que je devrais supporter en acceptant votre proposition fraternelle… Tout ce poids, je ne me sens pas capable de le porter sur mes deux épaules ; si je le prends sur moi, je tomberai dans une grande tristesse et je deviendrai l’objet de moqueries… Je ne serais d’aucune utilité dans notre saint monastère, au contraire, je lui occasionnerai grand tort, n’étant pas en mesure de remplir les tâches et obligations que je devrais assumer dans cette situation… En ce qui concerne le reste de ce que vous m’écrivez, c’est-à-dire le fait que vous me rendiez justice, je vous en remercie chaleureusement. Mais je reste le moindre parmi tous les frères, c’est pourquoi, si vous m’aimez, ce qui paraît évident à la lecture de votre lettre, ne m’imposez pas, mais libérez-moi de cette charge que je n’ai pas la force de porter… » Ces quelques phrases résument toute la sainte attitude de notre Géronda Jérôme, telle qu’il l’a vécue tout au long de sa vie, dans toutes les circonstances.

Pendant les vingt-cinq ans qu’il passa à Athènes, père Jérôme ne quitta presque pas sa cellule, sans jamais allumer de chauffage, même durant les hivers les plus rigoureux, et sans sortir « prendre l’air » comme on le lui conseillait, lors des canicules torrides comme elles peuvent l’être à Athènes l’été. Il répondait alors que pour un moine, la fraîcheur, c’est dans sa cellule qu’il la trouve. Là, il se plongeait dans une prière perpétuelle, alimentée par des lectures spirituelles, et partageait son temps avec la préparation de ses homélies à destination des fidèles qui venaient au monastère de l’Analypsis. Il passait aussi des heures à écouter les confessions, ne jugeant jamais ceux qui lui ouvraient leur cœur, mais les accompagnant dans la découverte et la révélation de ce qu’ils y renfermaient. Il eut ainsi de très nombreux enfants spirituels que l’on reconnaît sur les quelques photographies qui nous sont parvenues lors de ses funérailles. Par ailleurs, il était d’une bonté et d’une compassion parfaite à l’égard de tous ceux qui avaient recours à sa générosité. Il leur donnait tout l’argent qu’il pouvait avoir pour satisfaire à leurs besoins. Combien n’a-t-il pas aidé de jeunes à se rendre au Mont Athos en subvenant aux frais de leurs voyages ? À combien de pauvres n’a-t-il pas offert repas et vêtements ? Seul Dieu le sait.

Saint Jérôme a tonsuré comme moines et moniales sa mère, devenue la moniale Mélanie, ses trois sœurs, Magdeleine, Mélanie et Cassienne, ainsi que plus de trois cents moniales qui prirent l’habit et vécurent moniales, mais secrètement, ce qui valut à saint Jérôme de nombreuses critiques et persécutions. Son frère devint aussi moine à Simonos Petra sous le nom de Maxime.

Pendant ces longues années athéniennes, saint Jérôme a célébré tous les jours la divine Liturgie. Il n’y eut qu’une seule exception, ce fut pendant l’occupation de la capitale par les nazis : il n’y avait pas de pain pour l’Eucharistie !

Nous sommes heureux de pouvoir vénérer ce nouveau saint du calendrier orthodoxe. Il sera désormais fêté le 9 mai de chaque année. En même temps que le bienheureux Jérôme de Simonos Petras, le patriarche Bartholomée et le Saint Synode de Constantinople ont aussi proclamé la canonisation du Bienheureux Sophrony, du monastère d’Essex, en Angleterre, qui fut disciple de saint Silouane l’Athonite dont il fit connaître la vie et les paroles qu’il a longuement commentées et décryptées pour notre profit Spirituel.

Saints et bienheureux pères Jérôme et Sophrony, intercédez pour nous !

 

Archimandrite Elie de Simonos Petras
Monastère de la transfiguration
Terrasson-Lavilledieu
Le 28 novembre 2019